Le premier code des couleurs
Entretien avec Michel Pastoureau
L’Occident médiéval a construit une symbolique des couleurs qui continue de structurer notre représentation du monde. Michel Pastoureau s’est passionné pour cette histoire, mêlant avec talent les idées aux pigments.
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-Le rouge est la couleur par excellence. Pourquoi ?
Dans l’histoire longue, c’est la première couleur que l’homme a maîtrisée, en peinture, très tôt, dès le Paléolithique, puis en teinture, à l’époque du Néolithique. La palette préhistorique est à dominante rouge avec aussi des nuances moins habiles de jaune et de noir. C’est encore trop tôt pour le vert et le bleu. En Europe, le rouge est resté longtemps la gamme dans laquelle les teinturiers se montraient les plus performants. C’est la couleur par excellence. Les langues slaves utilisent d’ailleurs le même mot pour dire rouge et pour dire beau. Cette primauté demeure dans les esprits même si on peut observer un retrait très frappant du rouge de la vie quotidienne à partir du XVIe siècle.
-Faut-il y voir l’influence de la Réforme ?
Oui, cela correspond au moment où les réformateurs protestants moralisent les couleurs. Il y a les couleurs honnêtes pour les bons chrétiens – le noir, le gris, le blanc, le brun, le bleu – et puis les autres qui sont trop voyantes. Elles représentent une cause de désordre, une offense faite à Dieu. Cette considération religieuse a des répercussions très importantes sur le vêtement, la vie quotidienne et bien sûr le culte. On chasse les couleurs du temple. L’œil averti peut distinguer sans trop se tromper une palette catholique d’une palette protestante ; je pense par exemple à Rubens (1577-1640), l’un des plus grands coloristes, qui travaillait à Anvers, et, moins d’une génération plus tard, à Rembrandt (1606-1669), spécialise des camaïeux, des couleurs retenues et des vibrations de la lumière, aux Pays-Bas du Nord. […]
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