Viande, poisson, citron, crêpes et chocolat…
Viande, poisson, citron, crêpes et chocolat…
"Notre culture alimentaire est d'influence catholique"
L’Église a civilisé nos ventres en instaurant une discipline de table. Elle autorise les plaisirs gustatifs dans un cadre défini qui connaît de nombreux aménagements. Des pratiques qui laissent des traces dans nos assiettes. Entretien avec Florent Quellier, professeur d'histoire moderne à l'Université d'Angers.
(…) – Pourquoi cette focalisation sur la viande ?
F. Quellier : Le régime alimentaire qui se met en place dans l’Antiquité tardive résulte du métissage entre deux cultures : la cuisine du monde méditerranéen, plutôt favorable aux végétaux, et celle des élites barbares, plus tournée vers la viande. L’idée est restée. On interdit la viande les jours de maigre car elle est considérée comme l’aliment des puissants. On veut affaiblir le corps. La viande est un aliment plus nourrissant. Elle est associée à la virilité, à la puissance sexuelle que l’on veut contrôler. Au contraire, le poisson est considéré comme de l’eau figée.
F. Quellier : Le régime alimentaire qui se met en place dans l’Antiquité tardive résulte du métissage entre deux cultures : la cuisine du monde méditerranéen, plutôt favorable aux végétaux, et celle des élites barbares, plus tournée vers la viande. L’idée est restée. On interdit la viande les jours de maigre car elle est considérée comme l’aliment des puissants. On veut affaiblir le corps. La viande est un aliment plus nourrissant. Elle est associée à la virilité, à la puissance sexuelle que l’on veut contrôler. Au contraire, le poisson est considéré comme de l’eau figée.
-L’Église instaure un calendrier avec des interdits ponctuels. Quel est le principe ?
F. Quellier : Le maigre couvre une bonne centaine de jours par an, parfois cent cinquante, cela dépend des diocèses. Mais il présente une intensité variable. Les jours d’abstinence, on supprime la viande mais on ne change pas le nombre de repas. Les jours de jeûne, on ne conserve en théorie qu’un seul repas pour aller plus loin dans la pénitence. Les interdits sont plus poussés pendant le Carême avec un point culminant le vendredi saint. En revanche, les dimanches sont obligatoirement des jours gras.
-Vous parlez du Carême, quels sont les autres jours de maigre ?
F. Quellier : L’Avent pour les ecclésiastiques, tous les vendredis afin de commémorer la crucifixion du Christ, éventuellement le mercredi et le samedi, les vigiles qui correspondent aux veilles des grandes fêtes religieuses ainsi que les « quatre temps » qui marquent trois jours de pénitence au début de chaque nouvelle saison.
-Pouvez-vous expliquer le « maigre gastronomique » ?
F. Quellier : Cette pratique se développe chez les élites en France et en Italie à la fin du Moyen Âge. Elle respecte à la lettre l’interdit de la chair mais pas l’esprit de pénitence. Les jours de maigre, on pouvait manger les poissons les plus fins, accompagnés de coulis aux truffes, consommer des sucreries, boire des vins délicieux, etc. Cela permettait de maintenir son rang sans contrevenir aux exigences religieuses. Les protestants y voient une hypocrisie papiste. Mais dans la pensée de l’époque, la table devait refléter votre position sociale, c’est-à-dire votre naissance, et donc le choix de Dieu. (…)