Sur les sentiers des Cévennes
Les fantômes des Camisards
Les montagnes escarpées, les grottes retirées et le secret des maisons cévenoles portent encore le souvenir des camisards, ces jeunes protestants qui se sont insurgés de 1702 à 1704, au nom de la liberté de culte.
Nous sommes dans la nuit du 24 juillet 1702, au Pont-de-Montvert, petit bourg niché au pied du verdoyant mont Lozère, point culminant des Cévennes. De part et d’autre du pont en dos-d’âne qui enjambe le Tarn, des maisons de granit bordent des ruelles étroites. Dans l’une d’elles, va bientôt se jouer un drame déterminant. C’est la plus belle du village : l’abbé du Chayla l’habite, depuis qu’il l’a confisquée à un notable protestant. Avec un zèle qui le rend haï de la population, ce prêtre pourchasse les huguenots depuis des années, en tant qu’inspecteur des missions des Hautes- Cévennes. Il vient justement de faire arrêter sept jeunes gens qui cherchaient à gagner Genève pour pratiquer librement leur reli- gion. Une cinquantaine d’insurgés rassemblés aux Trois-Fayards, non loin de là sur le massif du Bougès, a décidé de les libérer. Persuadés d’être guidés par une inspiration divine, ils fondent sur le bourg dormant, exigent qu’on leur rende les prisonniers ; un soldat leur tire dessus, ils répliquent, enfoncent sa porte, mettent le feu à l’escalier… Le prêtre, qui tente de fuir, est rattrapé et massacré sur le pont. La répression ne se fait pas attendre : le meneur est brûlé vif sur la place centrale dès août, mais l’irréparable a été commis. La population est d’ores et déjà entraînée dans une spirale de violence vengeresse qui embra- sera la région pendant deux longues années : la guerre des camisards (…).
Par Marie-Amélie Blin