Menaces sur le patrimoine chrétien de Turquie
Un héritage immense mais fragile
Tremblements de terre, fanatisme religieux, choix politiques, voire tourisme de masse, menacent aujourd’hui un patrimoine d’une richesse exceptionnelle et dont une partie remonte aux origines du christianisme.
Enquête sur un héritage en péril.
Nous aimons le neuf », aurait affirmé en 1918 le dernier grand vizir de l’empire ottoman alors qu’il menaçait de dynamiter Sainte-Sophie – la « Grande-Mosquée » – si les troupes alliées continuaient à avancer sur Constantinople. Cette anecdote, que l’on se répète dans le milieu des archéologues et des amateurs d’histoire à Istanbul, est significative d’un certain esprit. La conservation du passé et de ses monuments n’a jamais été une priorité en Turquie, encore moins lorsqu’ils appartiennent aux « minorités », soit les communautés grecque, arménienne ou juive. Après la proclamation de la République, en 1923, et jusque dans les années 1980, les cas de spoliations de bâtiments religieux étaient fréquents. Ils continuent à certains égards. Régulièrement, la Cour européenne des droits de l’homme reste l’ultime recours pour ces communautés religieuses, mais ses jugements sont rarement considérés. Le principe étant qu’un bâtiment « non utilisé », une église, un ancien séminaire, un monastère, une parcelle boisée, ou un terrain vague, fasse l’objet par l’État d’une procédure de déshérence, et puisse être ainsi revendu à un tiers. Dans quelle mesure la corruption ne s’ajoute-t-elle pas à une discrimination religieuse organisée par l’administration des cultes ? Il faut remarquer tout de même qu’une loi récente sur les fondations permet des restitutions au coup par coup lorsque les anciens propriétaires peuvent prouver cette spoliation. […]