Entretien avec Pierre Manent – CODEX
Entretien avec Pierre Manent
Portrait de Pierre Manent

Entretien avec Pierre Manent

La France laïque face à ses religions

L’islam, la nation, la laïcité, l’Église… À l’heure du terrorisme islamique, tour d’horizon avec le philosophe Pierre Manent, auteur d’un essai stimulant sur la situation de la France.


EXTRAIT : « Je plaide pour que les chrétiens, notamment les catholiques, évitent d’entrer dans la concurrence des minorités et de s’abandonner à la rivalité victimaire. C’est entériner un rôle passif et subalterne que de faire le compte minutieux des actes de « christianophobie », notion aussi élastique et peu judicieuse que celle d’islamophobie en imitation de laquelle elle a été construite. Je plaide pour que les chrétiens aient le sens de leurs responsabilités pour et devant leur pays, le souci du bien commun de la cité, le souci du tout dont ils sont une partie. Ni pleurnicher ni vitupérer, mais parler à haute et intelligible voix.

[…] N’osant plus demander à ceux à qui elle s’adresse de devenir chrétiens ou meilleurs chrétiens, elle s’est réfugiée trop souvent dans le langage de l’humanitarisme contemporain, comme si la charité chrétienne se confondait avec la compassion humanitaire. Or l’Église est d’un autre ordre. Tous, chrétiens et non chrétiens, l’ont bien senti lorsque le père Jacques Hamel, célébrant le sacrement de l’autel, a été mis à mort par deux fanatiques musulmans. L’âge et le petit nombre des assistants à la messe auraient pu nourrir le grand récit de la « fin du christianisme ». Le maire, communiste, de Saint-Étienne-du-Rouvray parla au contraire de « notre prêtre » avec une sincérité qui éclatait. Ce n’était pas, si j’ose dire, un assassinat comme les autres. Étonnés de leurs propres sentiments, bien des Français découvrirent que la place du catholicisme n’était pas vacante, et qu’un vieux prêtre célébrant la messe était plus et autre chose qu’une image du passé. On put observer que les musulmans, en groupe ou individuellement, mirent un zèle inédit dans l’expression de leur appartenance à la communauté française. » […]