“Geneviève fait le grand écart”
Entretien avec Bruno Dumézil
Entre les derniers feux de l’Empire romain et l’ascension du royaume franc de Clovis, cette vierge consacrée a marqué le Ve siècle. Geneviève joue un rôle important dans des temps troublés. Elle reste une femme de réseau et d’influence.
Codex : La Ville et le diocèse de Paris s’associent pour fêter les 1600 ans de Geneviève. La date retenue est-elle fiable d’un point de vue historique ?
Bruno Dumézil : Oui, Geneviève est née à Nanterre vers 420, à deux ou trois ans près. Il faut bien comprendre que cette information est extrêmement précise pour un personnage du Ve siècle ! D’habitude, nous ne pouvons même pas situer la naissance des rois, par exemple Clovis nous donne bien de la peine. Il s’agit donc d’une femme exceptionnelle. Elle a vécu longtemps, jusqu’en 500-502 selon son biographe. Sa vie est balisée par suffisam- ment de rencontres pour que nous puissions penser qu’il n’a pas cherché à rallonger son existence. On connaît de nombreux détails la concernant. Par exemple, elle mangeait des fèves. Les légumineuses ont peut-être favorisé sa longévité !
Codex : Son existence dure près de quatre-vingts ans. Dans quel monde évolue-t-elle ?
B. Dumézil : Quand Geneviève naît, elle vit encore dans l’Empire romain qui se porte relativement bien même si Rome a été prise par les Wisigoths en 410. Les Gaules forment un territoire morcelé. Le Nord, c’est-à-dire la Belgique actuelle, est contrôlé par les Francs qui travaillent pour l’Empire romain. La Picardie, et sans doute Paris, est placée sous l’autorité d’un général romain mais il a pris son indépendance par rapport à l’empereur. La Bourgogne est aux mains des Burgondes qui obéissent à l’empereur… de Constantinople ! Tout le sud est confié aux Wisigoths qui obéissent quand ça leur chante. Pour autant, on vit encore dans un monde théoriquement romain. C’est le cadre mental qui subsistera jusqu’à la fin du VIe siècle. Geneviève doit se sentir Romaine. Lorsqu’elle disparaît, en 500-502, nous sommes dans le royaume franc de Clovis. C’est le début de ce que nous appelons le Moyen Âge. Elle fait le grand écart.
Codex : Le récit parle d’une consécration à Dieu. À quoi cela correspond-il ?
B. Dumézil : Au Ve siècle, il n’y a pas encore de monachisme féminin. En revanche, il y a une virginité consacrée pour les jeunes filles (…).
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