Une majorité inédite
Quand la Cour suprême se réveille catholique
Comment, en cinquante ans, passe-t-on d’un siège réservé – le Catholic seat – à la majorité des neuf juges ? Une évolution qui témoigne du poids grandissant du catholicisme dans la société américaine.
Établie en 1789, la Cour suprême des États- Unis n’a compté jusqu’à aujourd’hui que treize juges d’obédience catholique – pour quatre- vingt-onze magistrats protestants. Mais alors qu’il était d’usage, depuis le début du XX siècle, qu’un seul des neuf sièges de la Cour la Cour suprême
soit attribué à un catholique – le fameux Catholic seat ou « siège catholique » – la balance religieuse de la plus haute juridiction fédérale s’est significativement inversée ces dernières années: une majorité de ses membres actuels – six sur neuf – sont en effet catholiques, ou ont été élevés dans cette foi. De manière générale, les change- ments dans la composition confessionnelle de la Cour, de même que ses arrêts relatifs aux droits des citoyens et institutions catho- liques, reflètent l’évolution contrastée, au fil des décennies, du statut et de l’influence du catholicisme dans la société américaine. Si un premier juge catholique, Roger B. Taney, est nommé à Washington dès 1836, seuls quatre autres coreligionnaires rejoignent les bancs de la Cour avant la Seconde Guerre mondiale – et ce en dépit d’une population catholique, issue notamment de l’immigration irlandaise, de plus en plus importante pendant cette période.
L’accès des catholiques aux sphères d’influence – économique, intellectuelle, politique, et juridique – est restreint jusque dans la première moitié du XXe siècle par la permanence aux États-Unis d’un certain « Protestant establishment », lequel est associé à un fort anticatholicisme. Le rejet par l’Église romaine du principe de séparation entre l’Église et l’État – inscrit dans le 1er amendement de la constitution américaine – mais aussi l’allégeance des catholiques au pape et leur supposé conservatisme social, sont autant d’arguments mis en avant par les nativistes protestants pour justifier la stigmatisation et la mise à l’écart d’une religion qu’ils considèrent comme fondamentalement incompatible avec « l’identité originelle » de la nation. Ces opinions nativistes sont largement répandues parmi les élites institutionnelles de l’époque – y compris au sein de la Cour suprême où, par exemple, le juge Hugo Black, ancien sénateur de l’Ala- bama, membre (repenti) du Ku Klux Klan, et anticatholique notoire, est nommé en 1937.
Ce climat hostile s’apaise toutefois dans les États-Unis d’après-guerre, alors que la société américaine se montre plus ouverte à la diversité religieuse (…).
Par Amandine Barb
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